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La guerre du Linky

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Le compteur électrique Linky défraie la chronique depuis le début de son déploiement en décembre 2015. De nombreux Français ont refusé son installation dans leurs foyers. D’une part, les opposants dénonçaient des risques sanitaires liés à l’exposition des utilisateurs aux champs électromagnétiques. D’autre part, les anti-Linky s’inquiétaient de l’usage qu’envisagerait de faire la filiale indépendante de distribution d’EDF, Enedis, des données recueillies par les compteurs. Dans l’Hexagone, ce sont près de 35 millions de compteurs Linky qui devraient être déployés d’ici deux ans.

Dans une ordonnance du 12 mars, un juge des référés de la ville de Toulouse a autorisé des plaignants souffrant d’électro-hypersensibilité à refuser l’installation du compteur électrique Linky dans leur foyer pour des raisons médicales. Le juge s’est appuyé sur des certificats médicaux des plaignants, le juge du Tribunal de Grande Instance (TGI) a ordonné à Enedis de ne pas installer, contre leur gré, le compteur électrique dans les foyers de personnes dites électro hypersensibles.

L’avocat des plaignants, Me Christophe Léguvaques a également précisé à La Dépêche du Midi que si des personnes éléctro-hypersensibles “habitent dans un immeuble et que leurs voisins sont déjà équipés d’un Linky, il appartiendra au distributeur de délivrer à proximité du logement des malades une électricité exempte de tout courant porteur en ligne, notamment dans les fréquences comprises entre 35 khz et 95 khz”.

Depuis l’année dernière, les avocats toulousains Christophe Léguevaques et Arnaud Durant ont engagé des actions collectives auprès de vingt-deux tribunaux dans l’Hexagone pour le compte de près de 5500 particuliers. Les avocats exigent en outre que la justice française prenne des mesures conservatoires et transitoires afin que les consommateurs puissent avoir la liberté de choix quant à l’installation du compteur Linky. En effet, les juges des référés de plusieurs Tribunaux de Grande Instance refusait se déclarait incompétent en refusant ainsi de trancher les affaires relatives à l’installation du compteur.

De même, le 31 juillet 2019, le Tribunal de Grande Instance de Tour a demandé le retrait de compteurs Linky pour raisons médicales pour 13 particuliers. La justice a en effet reconnu leur électrosensibilité. Enedis a fat appel.

la Cour d’appel de Toulouse, a confirmé le 23/10/19 la condamnation prononcée le 12 mars par le juge des référés du TGI de Toulouse. Il a été ordonné à ENEDIS de poser des filtres contre les courants porteurs en ligne chez les 13 plaignants, considérés comme électrosensibles. En effet, ce n’est pas tant les champs électromagnétiques générés par le compteur mais la “dirty electricity” générée par le composant CPL qui est en cause (entre 35 et 95 kHz).

Plus généralement, plus d’une vingtaine de procédures judiciaires sont engagées dans l’Hexagone contre ce compteur.

En mars 2019, plus de 800 communes étaient déjà opposées à son installation. Les tribunaux avaient alors estimé qu’elles n’en avaient pas le droit, et qu’Enedis pouvait installer le compteur sans autorisation, mais seulement quand ce dernier se trouvait à l’extérieur d’une maison ou était présente dans les parties communes d’un immeuble. Dans la commune de Grabels, dans l’Hérault, plus de 80% des habitants sont contre le Linky. Le maire, jouant sur le principe de précaution, a refusé l’installation du compteur dans les écoles de la commune ou les bâtiments publics.

Plus récemment, le 28/06/19, le Conseil d’État a rejeté le recours de la commune de Bovel (Ille-et-Vilaine) qui avait interdit le déploiement des compteurs électriques communicants Linky sur son territoire. Dans son arrêt, la plus haute juridiction administrative française estime que la commune n’est pas propriétaire des compteurs électriques installés sur son territoire. Elle la condamne donc à verser 3 000 euros à la société Enedis, chargée de déployer ces compteurs communicants.

Vendredi 2 août 2019 : nouvelle victoire pour les compteurs Linky : 457 personnes opposées à la pose des nouveaux compteurs à leur domicile ont été déboutées par le tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre. Dix décisions ont été rendues, toutes rejetant les demandes des plaignants.

Un sondage réalisé par l’UFC-Que Choisir entre le 23 et le 31 mai 2019 démontre que les personnes équipées du compteur intelligent sont loin d’en être satisfaites. L’association de consommateurs a recueilli les avis de pas moins de 5.230 personnes équipées de Linky via un questionnaire proposé dans sa newsletter hebdomadaire à ses abonnés, mais elle a également commandé un sondage auprès d’un échantillon représentatif de la population de 1.200 personnes. Entre dysfonctionnements, risques d’incendie, danger des ondes, intrusion dans la vie privée, surconsommations, les griefs contre le compteur intelligent sont nombreux. Cette étude montre que ce n’est pas moins de 56% des personnes sondées qui jugent ainsi Linky inutile, alors que 69% affirment carrément qu’ils ne maîtrisent pas mieux leur consommation depuis l’installation du compteur intelligent chez eux.

Début octobre 2019, on apprenait qu’une retraitée située à Arras, dans le Pas-de-Calais assignait ENEDIS pour surfacturation abusive. Depuis la pause du nouveau compteur en février 2017, sa facture est passée de 100 à 500 € par an sans que ses habitudes de consommation aient changé. Avec son refus de payer les factures, ENEDIS avait coupé l’électricité. Après 87 jours de coupure, l’électricité a été remise chez cette retraitée à l’approche de la trêve hivernale, en décembre 2018. ENEDIS explique que l’ancien compteur ne donnait pas la réalité de la consommation. Le jugement a été mis en délibéré rendu fin novembre 2019. La Justice a donné raison à cet habitante d’Arras : l’octogénaire vient de faire condamner EDF et Enedis, contraints de lui verser 1500 euros de dommages et intérêts, ainsi que 800 euros au titre de l’aide juridictionnelle.

En février 2020, on apprenait qu’un habitant de Quimper a soudainement vu son estimation de facture EDF grimper à 14.480,08 euros pour un T2 de 40 m2. Un problème de mise à jour après l’installation du compteur Linky…

Techniquement, une étude sortie en octobre 2019 par l’agence nationale des fréquences (ANFR) conclu que le compteur Linky ne présente aucun risque d’exposition aux champs électromagnétiques. Les mesures réalisées à plus de 40 cm du compteur montrent des niveaux de champs plus faibles qu’à proximité du compteur, ce qui illustre que la distance est un paramètre majeur pour l’exposition. Dès qu’on s’éloigne de quelques dizaines de centimètres de la source de rayonnement, le niveau d’exposition baisse fortement.

Lorsque des transmissions CPL ont été mesurées, une analyse dans la bande de fréquences de ces transmissions (35 – 91 kHz) a été menée. Les conclusions de l’étude sont les suivantes : Des niveaux de champ crête maximaux de 3,5 V/m et 0,17 µT ont été mesurés, soit des valeurs respectivement 25 fois et 37 fois inférieures aux valeurs limites réglementaires actuelles de 87 V/m et 6,25 µT. Des valeurs moyennes sur 6 minutes ont également été relevées à titre informatif. Les valeurs moyennes sur 6 minutes correspondant aux niveaux de champ crête maximaux mesurés sont de 0,015 V/m (soit 230 fois moins que la valeur crête de 3,5 V/m) et de 0,0006 µT (soit 275 fois moins que la valeur crête de 0,17 µT). Cette étude ne parle cependant pas de cette “dirty electricity”.

La bataille continue…

A noter que grâce au principe du droit à la propriété, si le compteur est installé dans un local privé ou un jardin privé, les particuliers peuvent refuser l’accès à leur ancien compteur aux agents ENEDIS et donc refuser la pose du Linky.

Si un compteur est déjà installé chez vous, vous pouvez vous protéger avec certains appareils qui annulent les informations portées par les champs électromagnétiques ou même avec un simple CEF (correcteur d’état fonctionnel) que vous poserez sur le compteur. Des boutiques comme Green Nature en vendent.

Outre l’aspect “fréquences nocives”, ce compteur évalue la consommation des utilisateurs en collectant les données de consommation à l’heure ou à la demi-heure. La collecte des données nécessite l’accord explicite de l’abonné. Depuis 2018, cette pratique est encadrée par le Règlement général sur la protection des donnée (RGPD), qui précise que le consentement de l’utilisateur doit être « libre, spécifique, éclairé et univoque ». En février 2020, la CNIL constate deux manquements de la part d’EDF et d’Engie : d’une part le consentement des utilisateurs n’est « n’est ni spécifique ni suffisamment éclairé s’agissant des données de consommation à l’heure ou à la demi- heure ». Autrement dit, les clients qui donnent leur accord ne savent pas précisément à quoi vont servir les différentes données collectées. D’autre part, la durée de conservation des données par les deux organismes est parfois trop longue par rapport à l’objectif fixé : EDF conserve en effet les données fines cinq ans après la résiliation d’un contrat, bien qu’elles ne soient pas nécessaires à la facturation. Par ailleurs, aucune procédure d’archivage n’est prévue par la société. Pour sa part, Engie conserve des données de consommation mensuelles jusqu’à trois ans après la résiliation du contrat, et huit ans en archivage intermédiaire. Selon la CNIL, cette durée de conservation est excessive par rapport aux finalités visée, à savoir, prospection commerciale et mise à disposition des données du client. EDF et Engie ont trois mois pour se conformer au RGPD. Passé ce délai, la CNIL pourra entamer des poursuites à l’encontre des deux sociétés… Et les sanctionner si les manquements persistent.