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Le microbiote nasal

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On sait tous que le microbiote intestinal (i.e, la faune microbienne qui habite nos intestins) jouerait un rôle essentiel dans l’immunité, l’obésité, les maladies cardiovasculaires, les allergies, l’anxiété et même dans les performances sportives. Les scientifiques ont également découvert assez récemment qu’il existe un microbiote cutané et un microbiote de la langue.

Un article paru le 26 mai 2020 dans Cell Reports, nous apprend aujourd’hui que nous avons également un microbiote nasal. Ce microbiote nous protègerait contre les affections respiratoires, comme la rhino-sinusite chronique ou les allergies, en s’attaquant aux autres microbes pathogènes.

La biologiste Sarah Lebeer et ses collègues de l’université d’Anvers, en Belgique, ont recherché des bactéries dans le nez de 100 personnes en bonne santé, et les ont comparées avec celles de 225 patients souffrant d’inflammations nasales et sinusales chroniques. Parmi les 30 familles de bactéries présentes dans le nez, ils en ont identifié une particulièrement abondante chez les sujets sains : Lactobacillus casei. Ces bactéries sont ainsi trois fois plus nombreuses dans la fosse antérieure nasale et 10 fois plus nombreuses dans le nasopharynx chez les sujets sains que chez les personnes malades. En outre, 40 % de ces dernières n’ont pas du tout de L. casei dans leurs voies respiratoires supérieures.

Cette découverte est très étonnante car L. casei est une bactérie lactique que l’on trouve notamment dans le lait fermenté. Elle se développe généralement dans les environnements pauvres en oxygène et contenant des substrats glucidiques, comme la muqueuse intestinale. Cela semble donc paradoxal puisque c’est un environnement très différent de celui du nez, où l’air circule en permanence.

Pour comprendre ce paradoxe, les chercheurs ont séquencé le génome des L. casei prélevées dans le nez, et ont constaté que ces dernières présentent des gènes spéciaux codant pour la catalase et d’autres enzymes aux propriétés antioxydantes, qui leur confèrent une bonne tolérance à l’oxygène. Et ce n’est pas la seule évolution adaptative qu’ont développée ces bactéries. En les observant au microscope, les chercheurs ont découvert que les Lactobacillus casei du nez sont dotées de minuscules fibres ressemblant à des cheveux, qui servent à les arrimer solidement aux muqueuses du nez. « Sans cela, les bactéries seraient rapidement éliminées par le mucus et le lavage du nez », expliquent les auteurs.

Pour déterminer le rôle de Lactobacillus casei dans la prévention des maladies, les chercheurs ont placé la souche spécifique de la bactérie retrouvée dans le nez en présence d’autres bactéries pathogènes telles que le staphylocoque doré (Staphylococcus aureus), Haemophilus influenzae ou Moraxella catarrhalis, responsables notamment d’infections pulmonaires. Ils ont pu observer que L. casei empêchait effectivement le développement des bactéries pathogènes.

Dans la continuité de cette étonnante découverte, les chercheurs ont administré un spray nasal contenant des souches de L. casei à 20 volontaires sains, à raison de deux doses par jour pendant deux semaines. Ils ont pu observer que les bactéries ont rapidement colonisé le nez des cobayes sans effet secondaire. On peut alors imaginer qu’un tel spray pourrait apporter une nouvelle piste de traitement pour les affections respiratoires chroniques.

Des études complémentaires sont néanmoins à conduire pour confirmer ces résultats intéressants.

 

Source : Cell Reports, volume 31, issue 8. Authors : Lactobacilli Have a Niche in the Human Nose, Ilke De Boeck, Marianne F.L. van den Broek, Camille N. Allonsius, Irina Spacova, Stijn Wittouck, Katleen Martens, Sander Wuyts, Eline Cauwenberghs, Katarina Jokicevic, Dieter Vandenheuvel, Tom Eilers, Michelle Lemarcq, Charlotte De Rudder, Sofie Thys, Jean-Pierre Timmermans, Anneclaire V. Vroegop, Alex Verplaetse, Tom Van de Wiele, Filip Kiekens, Peter W. Hellings, Olivier M. Vanderveken, Sarah Lebeer.