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Etude sur la boulimie

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La boulimie est une addiction. Elle fait partie des troubles du comportement alimentaire au même titre que l’anorexie, l’orthorexie ou encore l’hyperphagie. Elle se caractérise par un besoin irrationnel et incontrôlé d’ingurgiter une grande quantité de nourriture dans un laps de temps restreint et en dehors de toute notion de satisfaction gustative.
Selon une étude de l’American Psychological Association, sortie en juillet 2017 dans le Journal of Abnormal Psychology [Collins & al., 2017], les personnes atteintes de boulimie pourraient se servir de la nourriture pour contrer le stress. En effet, après un événement stressant, le cerveau des personnes atteintes de boulimie chasserait les pensées négatives grâce à la nourriture, contrairement à celui des personnes sans trouble alimentaire.
Les chercheurs et auteurs de l’étude ont mené deux expériences : Dans la première, dix femmes atteintes de boulimie et dix femmes sans trouble alimentaire ont mangé le même repas. Plus tard, elles ont été invitées à se pencher sur un problème de mathématiques impossible à résoudre, afin de leur faire ressentir du stress. Des images d’aliments riches leur ont ensuite été montrées. Pour finir, les volontaires ont dû évaluer leur niveau de stress et leur envie de nourriture.
 
Une co-auteure de l’étude explique que « Chaque personne a connu un stress accru suite au travail sur le problème mathématiques et chaque personne a signalé une diminution du stress après avoir vu les images d’aliments. Les participantes ont également précisé que les images de nourriture avaient stimulé leur envie de manger ».
 
Il s’avère que les cerveaux des femmes sans trouble alimentaire et ceux des femmes souffrant de boulimie ont réagi différemment : chez les premières, le flux sanguin vers une région du cerveau associée à l’auto-réflexion (le précuneus), a augmenté, tandis que chez les secondes, le flux sanguin vers cette région a baissé. Une diminution qui démontrerait l’existence, dans le cerveau, d’un mécanisme permettant de détourner une pensée négative vers quelque chose de plus concret, en l’occurrence la nourriture. Les chercheurs concluent « Binge eating in bulimia nervosa is often triggered by acute stress and serves as a distractor from aversive thoughts about the self », autrement dit, les personnes atteintes de boulimie pourraient ainsi utiliser la nourriture pour éviter le stress.
 
Dans certains ouvrages (à interpréter avec précaution), on peut lire que ce problème est d’ordre affectif, tout comme l’anorexie, à l’exception que celui qui le vit veut « bouffer sa mère ». La boulimie aurait un lien avec la peur d’être abandonné. En effet, cela se produit chez une personne qui a voulu se couper de sa mère mais qui, à un certain moment, n’en peut plus de s’en priver et tombe dans l’autre extrême, c’est à dire qu’elle nécessite sa présence…
Souvent, la personne souffrant de boulimie adore manger et son corps le fait bien ressentir en produisant une quantité élevée d’insuline, ce qui génère une sensation de faim très importante. C’est un processus dit « autocatalytique ». Le stress provoque une perte d’énergie. La personne cherche donc à compenser cette perte d’énergie par la nourriture. Il faut inviter la personne à compenser son niveau de stress par autre chose que la nourriture, c’est-à-dire focaliser son esprit sur un autre sujet, un autre source d’énergie ou de plaisir.
Les traitements sont souvent d’ordre psychologique. L’hypnothérapie peut constituer une aide précieuse. L’hypnose est un état de conscience modifié pendant lequel il est possible de développer des ressources nouvelles. Une à cinq séances d’une heure peuvent être nécessaires. Des études menées par [Pettinati & al., 1985] portant sur l’hypnotisabilité des patients boulimiques, démontre que les patients souffrant de boulimie possèdent des capacités pour l’hypnose et la dissociation largement supérieures aux autres patients.
Par exemple, Marck S. Carich, Ph. D., Illinois (USA) propose à ses patients un protocole de thérapie symbolique qui consiste à faire symboliser au patient un bouton de réglage qui permettrait de contrôler la durée et l’intensité du comportement. Dans le prolongement de cette idée, et sans nécessairement recourir à l’hypnose, il est possible de s’autoprogrammer, consciemment, à chaque fois que ce stress apparaît. Cela nécessite un travail sur soi et une réelle volonté.
 
La personne sujette à ces envies de nourriture est invitée à prendre du recul sur la situation, à identifier les moments où se produisent ces envies, à prendre conscience du déclencheur du stress et à se « reprogrammer ». Après avoir pris une grande inspiration, elle peut imaginer un bouton ou un réglage quelconque, qui permet de régler le comportement en question. Pour cela, elle doit tenter d’évaluer le niveau actuel avec une simple question : « A quel niveau cette envie se fait elle ressentir sur une échelle de 0 à 10 ? ». Une fois la réponse acquise, elle doit « prendre le contrôle » et décider de réduire un peu l’intensité, sans atteindre une sensation d’inconfort. Progressivement, le cerveau, qui se caractérise par sa plasticité, peut être reprogrammé.
 
La question de la boulimie est d’autant plus inquiétante que, selon une étude américaine de l’Université du Connecticut [Puhl & al.], menée sur 1800 personnes, les sujets qui ont subi des moqueries sur leur poids pendant l’adolescence ont près de deux fois plus de risque de devenir obèses et de prendre de mauvaises habitudes alimentaires et de suivre des régimes malsains. L’étude montre également qu’ils deviennent en plus grand nombre des mangeurs compulsifs, guidés par leurs émotions, surtout les jeunes femmes qui ont tendance à plus manger en situation de stress ou à se lancer dans des régimes restrictifs. Les camarades de classe ne sont pas les seuls en cause dans ces moqueries. Dans le cercle familial, les parents ou les proches devraient réfléchir à deux fois avant de faire des remarques ou des plaisanteries sur le poids, souligne l’étude. Là encore, les jeunes femmes sont les plus touchées par les jugements formulés par les membres de leur famille. Au total, 38% des adultes et 17% des adolescents sont obèses aux Etats-Unis. En France, l’obésité touche 14,5% des adultes (41 % des hommes et 25,3 % des femmes) et 3,5 % des enfants âgés de 3 à 17 ans.

 
Bibliographie :
[Collins & al., 2017] « The impact of acute stress on the neural processing of food cues in bulimia nervosa: Replication in two samples », , Collins, Brittany; Breithaupt, Lauren; McDowell, Jennifer E.; Miller, L. Stephen; Thompson, James; Fischer, Sarah, Journal of Abnormal Psychology, Vol 126(5), Jul 2017, 540-551
[Pettinati & al., 1985] Hypnotizability in Patients With Anorexia Nervosa and Bulimia, Helen M. Pettinati, PhD; Robert Lynn Horne, MD; Julia M. Staats, October 1985, Arch Gen Psychiatry. 1985;42(10):1014-1016. doi:10.1001/archpsyc. 1985.01790330094011
[Puhl & al.] Experiences of weight teasing in adolescence and weight-related outcomes in adulthood: A 15-year longitudinal study, Rebecca M. Puhl a,⁎, Melanie M. Wall b, Chen Chen b, S. Bryn Austin c, Marla E. Eisenberg d, Dianne Neumark-Sztainer, Preventive Medicine 100 (2017) 173–179.